Comment la laine, longtemps oubliée, redevient une ressource d’avenir
1. Une filière historique en crise
Pendant des siècles, la France fut l’un des grands pays lainiers d’Europe.
Des territoires comme Mazamet, Roubaix ou Aubusson vivaient au rythme des filatures et des tissages.
Mais depuis les années 1970, l’ouverture du marché mondial et la montée en puissance des fibres synthétiques ont bouleversé ce paysage.
Aujourd’hui, la France produit environ 10 000 tonnes de laine brute chaque année, issues d’environ 7 millions de brebis (Collectif Tricolor).
Pourtant, moins de 5 % de cette ressource est valorisée.
🔎 En cause : la délocalisation du lavage, la disparition des filatures, le coût élevé de la tonte et un manque de débouchés structurés.
Résultat : la laine est souvent considérée comme un déchet agricole.
Certains éleveurs la brûlent ou la compostent, faute de solution économique viable.
2. Pourquoi cette situation est-elle absurde écologiquement ?
La laine est un matériau 100 % naturel, renouvelable et biodégradable.
Chaque année, les brebis doivent être tondues pour leur bien-être — ce qui génère une ressource locale et durable.
Ses propriétés naturelles sont exceptionnelles :
- Thermorégulation : chaude en hiver, fraîche en été.
- Acoustique : excellente absorption sonore.
- Ignifugation : résistance naturelle au feu sans traitement chimique.
- Purification de l’air : capture des composés organiques volatils (COV).
- Compostabilité : retour à la terre sans pollution.
D’un point de vue environnemental, la laine s’impose comme une alternative biosourcée aux isolants et textiles issus du pétrole.
Pour aller plus loin :
- ADEME – Les matériaux biosourcés dans le bâtiment
- INRAE – Recherches sur les propriétés écologiques de la laine
3. Les acteurs de la relance : du mouton au produit fini
Une nouvelle génération d’entrepreneurs, artisans et designers s’engage aujourd’hui dans la relance de la filière.
Le Collectif Tricolor
Créé en 2018, il fédère éleveurs, industriels et marques pour revaloriser la laine française.
Tricolor agit sur trois axes :
- structurer les chaînes locales,
- relocaliser les étapes de transformation,
- accompagner les entreprises dans leur transition durable.
Leur cartographie nationale des toisons identifie les gisements régionaux et les potentiels de valorisation.
En savoir plus sur Collectif Tricolor
Les initiatives régionales
Partout en France, des acteurs innovent :
- Laines Paysannes (Ariège) : vêtements et accessoires 100 % laine française.
- Terre de Laine (Haute-Loire) : filature artisanale et feutrerie.
- WiseWool (Bretagne) : lavage écoresponsable au CO₂ supercritique.
- Modulaine : solutions d’isolation et de tiny houses en laine.
Ces initiatives démontrent qu’une filière locale et traçable est non seulement possible, mais économiquement viable.
4. Les défis techniques et économiques
🔹 Le lavage
La France ne compte plus qu’une laverie semi-industrielle : la Laverie du Gévaudan en Haute-Loire.
Un goulot d’étranglement critique, alors que le lavage conditionne toute la chaîne de transformation.
Des projets émergent pour moderniser les infrastructures et développer des procédés économes en eau et en énergie.
🔹 Le coût de la tonte
Tondre une brebis coûte 3 à 5 €, tandis que la laine brute est achetée 0,20 €/kg.
Le déséquilibre économique est évident.
Cependant, une meilleure valorisation des produits finis peut inverser cette logique.
🔹 Le tri et la transformation
Le tri manuel reste rare, mais essentiel.
Un tri par finesse, couleur et longueur des fibres permet d’orienter la laine vers les bons usages :
- feutres acoustiques,
- literie naturelle,
- isolants écologiques,
- textiles techniques.
5. Étude de cas : Moumoute, innovation et design durable
C’est dans ce contexte qu’est née Moumoute, une initiative portée par trois ingénieurs et designers français.
Leur objectif : transformer la laine française en panneaux acoustiques biosourcés — à la fois esthétiques, sains et performants.
Les panneaux Moumoute se distinguent par :
- une absorption acoustique élevée (αw jusqu’à 0,9),
- une empreinte carbone réduite,
- un design sur mesure adapté aux bureaux, restaurants et établissements scolaires.
Le projet s’appuie sur des partenariats scientifiques avec le Laboratoire de Vibration Acoustique (INSA Lyon) et des collaborations industrielles locales.
Découvrir les produits Moumoute
6. L’avenir de la laine : innovation et recherche
La recherche explore de nouveaux débouchés :
- extraction de lanoline pour la cosmétique,
- laine dépolluante pour absorber les métaux lourds,
- composites laine / biopolymères pour la construction durable.
L’ADEME et le PUI Objectif Labo soutiennent ces projets expérimentaux pour renforcer la performance environnementale et la certification des produits français.
7. Une filière d’avenir pour les territoires ruraux
Relancer la laine, c’est :
- soutenir les revenus des éleveurs,
- recréer de l’emploi local,
- transmettre un savoir-faire artisanal,
- et renforcer la résilience territoriale.
“La laine n’est pas un déchet : c’est une matière d’avenir.”
— Collectif Tricolor
🔗 Ressources utiles
- Collectif Tricolor – Cartographie nationale
- ADEME – Matériaux biosourcés
- INRAE – Recherche sur la durabilité des fibres naturelles
- FranceAgriMer – Étude sur les débouchés de la laine
- WiseWool – Innovations dans le lavage écologique
- Laines Paysannes – Filière courte en Ariège
- Moumoute – Panneaux acoustiques biosourcés
Conclusion : un matériau du passé pour construire l’avenir
La laine française est à la croisée des chemins.
Ce qui fut une filière en déclin devient aujourd’hui un laboratoire d’innovation écologique et territoriale.
Entre agriculture, design et technologie, la laine symbolise un modèle industriel local, circulaire et à impact positif.
Chez Moumoute, nous participons à cette transformation, en prouvant qu’un matériau ancestral peut encore façonner le futur.
